Transatlantique, de Camille Corcéjoli

Comme Flamme, volcan, tempête, Transatlantique était recommandé par une libraire intervenant dans l’émission culturelle de Bx1 dédiée à la rentrée littéraire d’automne (disponible ici). Et comme pour Flamme, volcan, tempête, je me suis procurée Transatlantique à la Librairie Herbes Folles à Anderlecht.

Dans ce roman joyeux et parfois grave, le personnage principal, Alex, évoque la mastectomie qu’il va subir au Texas, entouré de sa bande d’ami.e.s proches et, à travers ce voyage terrestre qui l’amènera à New York, Charleston et enfin Austin, sa sinueuse transition de genre.

La première chose qui m’a frappée en lisant ce livre est la générosité du narrateur, qui semble nous prendre par la main avec sincérité et bienveillance pour partager un petit bout d’une vie un peu compliquée ainsi que ses réflexions sur l’identité, les rapports familiaux, amicaux et, bien sûr, l’(in)tolérance. L’intention de Camille Corcéjoli, joliment annoncée en incipit repris ci-dessous, transparaît dans ce roman.

« Avec Transatlantique, je laisse une place
libre à côté de moi.
C’est une invitation.
A s’asseoir près de moi.
A ce que l’on regarde ensemble l’horizon:
nos rapports au genre, aux institutions,
à la famille, à l’amitié, à nos doutes.
A ce que l’on regarde ensemble la société que nous fabriquons.
Avec Transatlantique, je laisse une place
libre à côté de moi.
C’est un pari »
— Camille Corcéjoli

Ce récit est par ailleurs parvenu à me toucher en plein cœur tout en me faisant réfléchir sur la transition de genre, bien sûr, et plus généralement sur ce qui nous définit.

Je l’ai dit: ce sont tout d’abord la sincérité et la générosité avec lequel le narrateur nous raconte son parcours parsemé d’embuches et d’incompréhension qui m’ont profondément émue. Les passages où Alex se remémore ses rendez-vous chez une endocrinologue ou avec une employée de mutuelle; entretiens où se mêlent intolérance, refus de comprendre et micro-agressions, en sont de poignants exemples. Moi-même de moins en moins enthousiaste à l’idée de consulter un professionnel de santé, suite à de malheureuses rencontres (disons-le franchement), je me suis complétement identifiée au narrateur, sa douleur, sa colère, et, il me semble, sa grande sensibilité.

Ensuite, moi qui croyais bêtement que la transition de genre consistait à passer du statut de femme à celui d’homme et vice versa, Transatlantique m’a vraiment ouvert les yeux sur le “bordel” (je cite le livre ici. Point d’irrespect dans ce blog) que peut constituer une transition, pour la personne qui la vit au quotidien et son entourage. Ce livre nous ouvre la porte sur cet entre-deux, monde qui m’était inconnu jusqu’alors mais qui est intéressant d’explorer intellectuellement quand, comme moi, on se désespère des discours misogynes qui cantonnent les femmes à des rôle bien précis.

Enfin, moi qui pensais que les luttes étaient cloisonnées et imperméable aux maux des autres, le passage dédié à la manifestation anti-raciste et anti-suprémaciste blanc en Virginie semble indiquer que la communauté LGBT a également à cœur de dénoncer les discriminations raciales. Peu experte sur le sujet, je suppose qu’il faut se pencher sur le concept d’intersectionnalité cher à Angela Davis pour creuser la question? C’est en tout cas par là que je commencerais.

Bref, un très joli premier roman, lu en quelques jours, avec beaucoup de bonheur et de remise en question de mes certitudes. Ce qui est toujours salutaire.

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