Roman de Ronce et d’Epine, de Lucie Baratte
Moi qui désespère parfois de trouver mes bonheurs de lectrice dans la littérature contemporaine et qui suis souvent déçue par les livres primés (je tairai le titre du dernier roman porté aux nues qui m’a laissée songeuse et perplexe), j’étais ravie de lire ce conte mystérieux et féminin. Fait rare, cette histoire de liens familiaux, d’apprentissage et d’émancipation m’a habitée bien après avoir lu la dernière page du livre.
J’avais vu passer sa magnifique couverture, qui fait penser aux tapisseries du Moyen-Age ou de la Renaissance, sur les réseaux sociaux et c’est en me rendant pour la première fois dans la très chouette librairie Tulitu que ce livre, où il est souvent question de forces surnaturelles, m’a appelée.
Apparemment nourrie de contes et de récits magiques, l’autrice plante le décor de son histoire dans un Moyen Age légendaire et fantasmé, décor fait de château bordé d’une immense forêt giboyeuse mais menaçante, de lits à courtines ou de métiers à broder.
Quand je lis, c’est bien souvent pour qu’on me raconte un histoire. Cette histoire peut me faire réfléchir, m’émouvoir ou me faire rire, bien sûr; mais ce que j’attends en premier lieu d’un écrivain c’est de m’offrir un récit - inspiré de faits réels ou non, peu m’importe - avec sincérité et cohérence. Avec ce conte totalement original tout en s’inscrivant dans une tradition qui remonte à la nuit des temps, j’étais servie ! Et je trouve formidable qu’un.e auteur.ice contemporain.e s’empare de ces codes pour à nouveau nous offrir une histoire nouvelle. Hormis le château lointain bordé d’une mystérieuse forêt, le lecteur se sent en effet en terrain connu avec le décès prématuré de la mère des deux héroïnes que tout semble opposer (Ronce, la blonde, est aussi calme, posée et docile qu’Epine, la brune, est sauvage et impulsive); les parties de chasse à cour de leur papa, ou encore la végétation qui envahit progressivement le château. Ce roman est également chargé de symboles telles la constance, la générosité et l’abnégation maternelle à travers la nourrice Cendrine; ou encore l’immortalité à travers la rose qui pousse spontanément sur une tombe.
J’ai lu Roman de Ronce et d’Epine comme un conte allégorique sur ce qui nous divise, nous distingue et qui nous unit malgré tout, quand l’amour est là. Pour moi, l’autrice a cherché à nous faire comprendre qu’il ne tenait qu’à nous pour rendre ces liens qui nous unissent magiques. Alors que les forces surnaturelles, inexplicables, la nature envahissante ou l’adversité, incarnée par cette étonnante légende de Trystain, peuvent nous laisser croire que notre libre-arbitre a des limites, Lucie Baratte nous glisse à l’oreille que nous avons toujours le choix.
Roman de Ronce et d’Epine nous parle aussi du cycle des saisons qui s’impose à nous. La Nature est omniprésente: on sent l’humus, on entend le chant des oiseaux dans cette prose rythmé par des chapitres aux titres qui font penser à des proverbes d’un autre âge (“Eté ardent, Orage menaçant” ou “Printemps sexuel, piège charnel”).
J’aime beaucoup l’idée que l’on puisse s’inscrire dans une tradition ancestrale, s’inspirer de récits qui nous ont précédés, pour offrir un conte original, moderne. Je souhaite à cette histoire de perdurer dans le temps.